Ex-voto offert par l'équipage du navire l'Eliza de Bordeaux

Ex-voto offert par l'équipage du navire l'Eliza de Bordeaux, anonyme, 1821, huile sur toile, 57 x 75 cm, Inv.2012.1.2

Don de l'Association des Amis au musée d'Aquitaine en 2011

Malmené par une mer furieuse, blanche d'écume, le trois-mâts semble sur le point d'être submergé par les vagues. Dans l'angle supérieur gauche, l'apparition céleste de la Vierge à l'Enfant, assise sur un nuage, dans un nimbe doré, illumine le ciel d'orage. A droite, l'inscription ex-voto précise la nature du tableau : ex-voto suscepto, « en conséquence d'un voeu par lequel on s'est engagé », ce tableau commémore une grâce obtenue. La tradition votive est très présente chez les marins qui affrontent quotidiennement les périls de la mer et témoigne de leur ferveur et, face aux dangers qui les menacent, demandent secours, le plus souvent à la Vierge, Stella Maris, protectrice des marins. Il immortalise le moment de l'intervention céleste en reproduisant la scène avec une précision qui l'authentifie aux yeux des fidèles et prouve la puissance de l'aide surnaturelle, le miracle mais aussi l'accomplissement de la promesse. Dès son retour à terre, le marin réalise son voeu car il ne peut reprendre la mer avant d'avoir remis l'ex-voto.

Cet ex-voto a été offert par l'équipage du trois-mâts, l'Élisa. La dédicace précise le nom de l'armateur, H. Dagassan, celui du capitaine, J. H. Lagarrigue, la date, le 4 janvier 1821, et les circonstances. Le navire est engagé par un coup de mer c'est-à-dire surpris par une forte rafale, une vague déferlant par-dessus le bateau, il doit donc fuir à sec de toile, en gouvernant de façon à recevoir le vent ou la lame par l'arrière, assez vite pour qu'elle ne le submerge pas et sans aucune voile dehors. Enfin la localisation géographique situe la scène au point le plus méridional du continent africain, au sud du Cap de Bonne-Espérance, au cap des Aiguilles où se rejoignent les puissants courants contraires de l'Océan Atlantique et de l'Océan Indien qui rendent la navigation dangereuse. Ce souci d'authenticité se retrouve dans la description précise des gréements ou des voiles enverguées. Le pont du navire est vide de toute présence humaine loin de l'agitation qui régnait sur le pont dans les ex-voto marins du siècle précédent où l'équipage, invoquant l'intervention divine, était généralement peint dans des attitudes théâtrales très vivantes. Comme de nombreux ex-voto, ce tableau n'est pas signé. Les votants, quand ils n'exécutaient pas eux-mêmes la toile, s'adressaient à des ornemanistes artisans, à des peintres d'enseigne ou de trumeaux, à des « peintres de piété » itinérants mais aussi à des peintres de marine, spécialistes de « portraits de navires », qui étaient les plus à même de représenter avec exactitude les bateaux. Quel que soit l'exécutant, la composition est toujours simple et obéit à des codes iconographiques précis. L'image est claire et son sens peut être compris de tous. La facture est naïve mais l'angoisse étreignant les marins qui, se sentant perdus, ont imploré la Vierge, est bien suggérée par la fragilité du bateau luttant contre les puissantes vagues.

Cette description d'une situation profane, un navire en péril, acquiert un caractère religieux par la foi profonde des hommes en détresse qui se sont voués à la Vierge et offrent cet ex-voto en signe de gratitude, témoignant ainsi du miracle aux yeux de leurs contemporains.

Catherine Bonte

Pour en savoir plus : www.amis-musee-aquitaine.com
 


Ex-voto offert par l'équipage du navire l'Eliza de Bordeaux, anonyme, 1821
huile sur toile, 57 x 75 cm, Inv.2012.1.2
© L. Gauthier, mairie de Bordeaux

Ex-voto de marine. Photo L. Gauthier mairie de Bordeaux

Ex-voto de marine. Photo L. Gauthier mairie de Bordeaux