La longue histoire des collections bordelaises

Si la plupart des villes de France ont créé des musées au XIXe siècle, dans la suite des grands projets révolutionnaires, Bordeaux a la particularité d’avoir rassemblé des collections depuis beaucoup plus longtemps. On considère en effet que l’histoire des musées de la ville commence en 1594 avec l’exposition à l’Hôtel de Ville d’un autel romain, en marbre, consacré à Auguste et au génie de la cité des Bituriges Vivisques, associé à trois statues impériales que les humanistes de la ville ont tenu à faire conserver par les jurats.

Mais c’est véritablement en 1781 qu’est fondé un premier « museum » à l’initiative de l’intendant Dupré de Saint-Maur et mis en place par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de Bordeaux. Ce musée était composé principalement de monuments et objets découverts lors des grands travaux urbanistiques du XVIIIe siècle.

En 1810, ce que l’on appelle le « musée de la ville » regroupe la bibliothèque, le cabinet d’Histoire Naturelle, le Dépôt des Antiques, l’Observatoire, la Galerie de Tableaux, l’Ecole de Dessin et de Peinture.

En 1853, un musée distinct, le « Musée d’armes » est créé, vite appelé « Musée d’armes et d’objets anciens » car il rejoint des collections municipales de poteries, de sculptures, d’émaux, d’orfèvrerie, de meubles, de serrurerie et divers autres objets. Selon le catalogue publié en 1860 par son conservateur, il comporte environ 1 200 pièces.

Tout au long du XIXe siècle, le « Dépôt d’antiques » et le « Musée d’armes et d’objets anciens » ne cesseront de s’enrichir par le biais d’acquisitions mais aussi grâce à de généreux collectionneurs. Ainsi, en 1854, M. Alcide Cayrou fait don de 180 spécimens d’armes des îles de la Société (principal archipel de la Polynésie-Française). Plus tard, en 1863, le legs exceptionnel du docteur Godard vient compléter le « Dépôt d’antiques » d’une collection égyptienne de près de 800 pièces. Cette même année, le nombre de pièces du Musée d’armes et d’objets anciens et du Musée des antiques s’élève déjà à 3 200.

A la fin des années 1860, la Ville, consciente que la collection lapidaire est devenue l’une des plus riches et des plus intéressantes de France, tente d’organiser un véritable musée et de rendre accessibles les monuments les plus remarquables, dispersés entre plusieurs lieux. En mars 1870, un local spécial est officiellement investi comme siège du « Musée lapidaire ».

L’accroissement des collections municipales a permis la création, en 1871, d’un « Musée préhistorique », situé au Jardin public à côté du Muséum d’histoire naturelle, déjà installé depuis une dizaine d’années. Jean-Baptiste Gassies, qui le dirige, s’attache à encourager les dons de marins et d’armateurs bordelais et commence une véritable collection ethnographique.

Le 20 mai 1901, sur une des terrasses du Jardin public, est inauguré le Musée de l’Institut colonial de Bordeaux qui expose, outre des produits issus des colonies, des objets ethnographiques importés des mêmes contrées.

Parallèlement au développement des musées municipaux, des collections particulières, quelquefois exceptionnelles, se constituent et donnent naissance à de véritables musées privés. Il en est ainsi du musée Bonie qui, dès 1856, regroupe à Bordeaux des objets anciens de tous genres et de tous pays, collectés par Edouard Bonie au cours de ses nombreux voyages à travers le monde. En 1894, ce dernier lègue à la Ville sa collection et l’hôtel particulier qui l’abritait, dans lequel il avait fait aménager « un fumoir arabe et un patio oriental ».

Soucieuses d’étudier et de préserver le patrimoine local, de nombreuses personnalités bordelaises se regroupent au sein de la Société Archéologique fondée en 1873 par Pierre Sansas. Faute de voir aboutir sa demande de création d’un musée archéologique digne de ce nom, la Société Archéologique se résout à ouvrir son propre musée, le Musée du Vieux Bordeaux, en 1908, à la Porte Cailhau. Les dons de ses membres, dans un premier temps, très vite relayés par ceux des Bordelais, sont à l’origine des collections.

Au début du XXe siècle, le Musée d’armes et d’objets anciens ainsi qu’une partie des collections du Musée des antiques se déploient dans un nouveau lieu, en périphérie de la ville, le domaine Carreire. En 1923, on décide de créer un Musée d’art ancien, dans l’hôtel de Lalande, au centre de Bordeaux, à partir des collections du Musée Carreire.

Pendant la Seconde guerre mondiale, la plupart des musées sont fermés et le resteront jusqu’au début des années 1950. En effet, après la guerre, un inventaire de l’ensemble des collections de la Ville est réalisé et conduit à une réorganisation des musées. Le Musée d’art ancien se transforme en Musée des arts décoratifs du Moyen Age à la fin du XVIIIe siècle. Le Musée Carreire, qui contenait encore notamment la collection égyptienne, les armes, « le folklore », les maquettes de navires, certaines des collections ethnographiques, est déclassé et déménagé, et ses collections en partie intégrées au nouveau Musée archéologique, constitué à partir des collections du « Musée lapidaire ».

Cette mise à plat des collections de tous les musées de la ville et la réflexion qui s’ensuivit donna naissance au regroupement d’une partie de ces collections au sein du nouveau musée d’Aquitaine, mis en place et dirigé par Louis Valensi. A la fin des années 1970, les collections du Musée de la marine, créé en 1952, et celles de la Société Archéologique de Bordeaux, sont déposées au musée d’Aquitaine.

Le musée d'armes et d'objets anciens au XIXe siècle