L'oeuvre du mois - juillet 2013

Masque Baga. Banda Guinée. Bois polychrome. H : 165 cm. Collection musée d’Aquitaine, n° d'inventaire 53.10.7

Ce grand masque africain est une création du groupe Baga, installé dans les lagunes côtières de la côte de Guinée, un « étrange pays où l’on ne sait où finit l’eau, où commence la terre », selon l’expression de la célèbre anthropologue française Denise Paulme.

Appartenant à la société secrète masculine du Simo, il était utilisé à des fins protectrices contre toutes sortes de calamités ou d’actes de sorcellerie. Plus particulièrement, il protégeait les jeunes au moment de l’initiation et les cultivateurs dans les rizières, menacés par les morsures de serpents au moment de la plantation ou de la récolte du riz, principale ressource alimentaire de la région. Il apparaissait également au moment des événements heureux, mariages, naissances, cérémonies agricoles, manifestations d’hospitalité. Il est particulièrement représentatif de cette conception singulière du monde des cultures traditionnelles d’Afrique noire.

Masque Baga. Photo Lysiane Gauthier, mairie de Bordeaux

Le sens de l’art

Se référant à la formule de Claude Lévi-Strauss, pour qui « l’objet c’est de la pensée solidifiée », l’art africain est par essence un instrument de contact avec l’invisible, monde peuplé de forces singulières qui fonctionnent en réseaux de correspondances selon un principe que Philippe Descola, successeur de Lévi-Strauss au laboratoire d’anthropologie sociale, qualifie d’analogique.

Ainsi le masque Baga donne à voir une figure composite associant des cornes d’antilope, une bouche de crocodile et un visage humain, qui ne sont rien moins que les énergies conjuguées des forces de la forêt, de l’eau et des esprits ancestraux. De cette conception du monde les objets sont donc à la fois les révélateurs et les opérateurs. Masques, statues, fétiches sont les réceptacles de forces spirituelles activées par des mécanismes d’accumulation d’éléments disparates, associés à des sacrifices, des paroles incantatoires, des musiques, des danses et des transes qui connectent l’homme à l’univers. L’art consiste ici à « organiser et réunir », dans le but, non pas de « représenter » mais de « présentifier » des puissances occultes. Il s’agit d’une mise en présence où l’objet matériel animé dans cette opération constitue un être à part entière.

En signifiant l’invisible, l’art africain nous propose une autre lecture du monde...

 Retrouvez cet article dans la revue le Festin #78

 
 

Masque Baga. Photo Lysiane Gauthier, mairie de Bordeaux

Masque Baga. Photo Lysiane Gauthier, mairie de Bordeaux