Paire de bougeoirs représentant des ouvriers noirs au travail

Paire de bougeoirs représentant des ouvriers noirs travaillant aux champs, anonyme, vers 1840, bronze patiné, 13,5 x 9,5 cm, Inv. 2009.5.1 et 2009.5.2

Don de l'Association des Amis au musée d'Aquitaine en 2009

Cette paire de bougeoirs ne porte aucune signature, ni de sculpteur ni de fondeur. Elle offre l'image d'un couple d'esclaves noirs dont les gestes apparaissent comme suspendus, figés dans leur labeur. Les terrasses, identiques, sont décorées de feuillages en léger relief ; une grande feuille grasse, au pied du bougeoir en forme de calice de fleur, situe la scène dans une végétation luxuriante. Ils présentent une iconographie rare et il est difficile d'identifier la nature de leur activité. Peut-être travaillent-ils dans une plantation de coton, la femme serait occupée à cueillir les gousses et à en remplir son grand panier.

Ces statuettes devaient servir de garniture de cheminée, de bureau ou de commode. Au XIXe siècle, la mode du bibelot envahit les demeures. Ces deux bronzes en pendants, bougeoirs et peut-être aussi vide-poche, sont caractéristiques du développement de la statuaire d'édition qui, dès les années 1830, permet à la bourgeoisie de décorer son intérieur avec des œuvres d'art d'un prix accessible. Bien souvent la statuette est alors la reproduction réduite d'une sculpture de grande taille mais une grande partie de la production des fondeurs-éditeurs est exécutée à partir d'un modèle créé, même par les plus grands sculpteurs, uniquement pour être reproduit en série.

La douceur du modelé, la sensualité et le naturel de l'attitude de la jeune esclave noire lui donnent une apparence de fragilité et en font une représentation humaine et touchante. Il y a une parenté stylistique avec les sculptures de James Pradier (1790 - 1852) qui, parallèlement à la grande statuaire de marbre, fut l'un des artistes les plus prolifiques de la production sérielle de figures féminines aux formes gracieuses, parées d'accessoires orientalistes et immobilisées dans un mouvement fugitif.

L'exploitation de la veine exotique se retrouve aussi chez son élève, Charles Cumberworth (1811-1852) qui, puisant son inspiration dans la littérature, s'inspire du roman de Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie (1788), pour représenter les deux esclaves, Marie et Domingue (1845, Louvre). Au-delà de quelques différences de dimension ou de qualité d'exécution, toutes ces statuettes présentent le même vocabulaire iconographique et stylistique que l'esclave du bougeoir, jusqu'à la large feuille placée aux pieds de Marie revenant de la fontaine pour évoquer la végétation fertile des îles.

Il est permis de penser qu'un jour, l'apparition d'un exemplaire signé et daté permettra de donner à ces statuettes leur complète identité. Quoi qu'il en soit, les similitudes avec les oeuvres des deux artistes évoqués, la patine foncée, l'attention aux détails de l'anatomie, des vêtements et du tressage des vanneries, le naturel et l'instantanéité du geste, permettent de dater ces bougeoirs des années 1840, époque où l'opinion se mobilise pour l'abolition de l'esclavage (en 1834 est créée la société pour l'émancipation des esclaves). Ce courant d'opinion permit à Victor Schoelcher de faire adopter par la Seconde République le décret du 27 avril 1848 qui abolit l'esclavage en France et dans ses colonies.

Catherine Bonte

Pour en savoir plus : www.amis-musee-aquitaine.com


Paire de bougeoirs représentant des ouvriers noirs travaillant aux champs
, anonyme
vers 1840, bronze patiné, 13,5 x 9,5 cm, Inv. 2009.5.1 et 2009.5.2
© L. Gauthier, mairie de Bordeaux
 

Paire de bougeoirs représentant des ouvriers noirs au travail, ©photo L. Gauthier mairie de Bordeaux

Paire de bougeoirs représentant des ouvriers noirs au travail, ©photo L. Gauthier mairie de Bordeaux