Gourde de compagnon tanneur et corroyeur
Don de l'Association des Amis au musée d'Aquitaine en 2008
De part et d'autre de l'évidement de cette gourde annulaire de faïence blanche, les deux compagnons, finement soulignés d’un trait noir, sont vêtus de la tenue d’apparat de leur corporation, coiffés d’un chapeau haut de forme ceint de leurs couleurs, le bleu et le rouge, et tiennent une canne enrubannée. Au-dessus sont mis à l’honneur les outils de leur métier : à gauche sont superposés une marguerite, un valeton, et un boutoir puis, au centre, une étire est placée au-dessus d’un fusil à affûter et enfin une lunette à parer est posée devant un couteau à écharner et un couteau à dérayer croisés.
La forme annulaire moulée de cette gourde rappellerait celle de la lunette, couteau rond percé au milieu, utilisée pour amincir et lustrer le cuir lors du parage.
Cette gourde est un souvenir du Tour de France au terme duquel l’aspirant présente son chef-d’œuvre et se voit conférer le titre de compagnon lors d'une cérémonie initiatique. Elle est achetée ou offerte après la Réception du compagnon qui la garde précieusement avec les objets acquis dans les différentes villes visitées.
Gourde de compagnon tanneur et corroyeur, Nantes, 1855, faïence de grand feu
21 x 19,5 x 4,5 cm, Inv. 2008.7.1
© L. Gauthier, mairie de Bordeaux
L’inscription, tracée en anglaise, donne le nom du compagnon, la ville et la date de Réception, cérémonie qui coïncide toujours avec une fête religieuse carillonnée ou la fête patronale. Ce nom proclame une qualité particulière, placée après son nom de pays et devient ainsi partie intégrante de son identité : Béarnais, la Tranquillité. Le compagnon peut désormais porter sa canne et ses couleurs, grands rubans de soie frappés de symboles, que la corporation des tanneurs et corroyeurs porte au chapeau. L’inscription nous indique que le compagnon a été reçu à Bordeaux, le 29 octobre 1855, pour la fête de saint Simon, protecteur des tanneurs et corroyeurs.
Au revers, une devise professe son appartenance au compagnonnage : le devoir à qui je consacre mes jours aux compagnons m'unit pour toujours. Le terme Devoir désigne à la fois l’association des métiers à laquelle appartient le compagnon mais aussi l’ensemble des règlements, des traditions, des symboles et des rites qui la structurent. Le compagnonnage n’a pas seulement un but professionnel, c’est aussi une exigence morale, une véritable éthique.
Les caractéristiques de cette gourde : faïence blanche avec un émail gras et luisant, un large filet bleu entourant la couronne et barrant les coulants, des formes cernées d’un fin filet noir, un dessin précis et des silhouettes un peu stylisées, le dessin des palmes (revers) à touches fines qui est celui du fleuri nantais, les coloris dominants, vert, bleu et noir, l’écriture anglaise noire presque droite, permettent de l’attribuer à la faïencerie nantaise Derivas qui a fabriqué des gourdes compagnonniques entre 1837 et 1858 (R. Lecotté, G-H. Rivière, « Essai sur les gourdes compagnonniques », in Arts et traditions populaires, n° 3, 1953).
Cette gourde est un rare et précieux témoignage d’art populaire et prend place dans une petite série homogène de récipients annulaires présentant une iconographie semblable dans les moindres détails et couleurs. Purement honorifique, elle est le signe de l’appartenance à une corporation et illustre une coutume propre au métier des tanneurs-corroyeurs aujourd’hui disparu.
Catherine Bonte
Pour en savoir plus : www.amis-musee-aquitaine.com