Conférence "Tromelin : l'archéologie dans l'océan Indien"
L'archéologie dans l'océan Indien : deux exemples de fouilles de sucreries
Conférence de Christine Etrich, chargée d'étude à l'Inrap et Xavier Peixoto, ingénieur d'études à l'Inrap
La sucrerie des Grands Fonds (île de la Réunion) : La fouille préventive des Grands Fonds a permis de redécouvrir une partie de l’usine d’une habitation-sucrerie de taille modeste, dont ne subsistaient qu’une cheminée et quelques ruines inscrites à l’inventaire du patrimoine architectural réunionnais. Cette habitation au sens créole du terme correspond à une création ex-nihilo et intervient après la première vague de fondation d’établissements, au moment où on assiste à une crise et à une première restructuration de ces domaines. Si la manufacture du fondateur, Saurin Lelièvre, qui a donné son nom à la propriété initiale, n’a pas laissé de traces sur la fouille, les étapes suivantes de son évolution sont plus tangibles, avec l’installation, à partir de 1868 de dispositifs caractéristiques d’une petite manufacture réunionnaise (batterie Gimard, chaudière Wetzell, turbines à sucre) et de machines à vapeur Cail arrivées tardivement sur le domaine en comparaison des autres sucreries de l'île. Ce retard et cette méfiance à l’égard des machines modernes dénotent une certaine prudence économique de la part des différents propriétaires et ce, tout au long de son existence mais ces achats raisonnés ont peut-être permis à l’usine de fonctionner plus d’un demi-siècle alors que bon nombre d’entre elles n’ont duré que quelques années. La fouille a donc permis de lever le voile sur l’histoire d’une sucrerie de taille modeste qui a survécu jusqu’à la fin 1898, date de sa fermeture, aux différentes crises sucrières qu’a connu Bourbon mais également les autres îles productrices de sucre telles que Maurice et la zone caribéenne.
Vue aérienne du chantier des Grands Fonds. Photographie par drone de Sébastien Turay
La sucrerie du domaine de Coconi (Mayotte) : Du fait de la départementalisation récente de Mayotte, l’archéologie préventive (en préalable aux travaux d’aménagement du territoire) s’y applique désormais comme sur l’ensemble du territoire national. La première fouille préventive, en 2015, a concerné une usine sucrière de la seconde moitié du XIXe siècle, celle du domaine de Coconi. Après le traité de cession de l’île à la France en 1843, Mayotte va connaître un premier cycle économique, basé sur l’exportation du sucre, dans le cadre d’une économie de plantation. Dix-sept usines sucrières y sont alors construites. La fouille ayant porté uniquement sur le bâtiment de production, les résultats concernent en premier lieu l’histoire de l’industrie sucrière d’un point de vue technologique, mais permettent d’évoquer d’autres aspects, historiques et sociologiques, sur une activité économique qui a profondément marqué l’histoire de Mayotte.
Vue aérienne du chantier de fouilles du domaine de Coconi. DroneGo