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La mission politique mémorielle de la ville de Bordeaux

Bordeaux honore et interroge son passé à travers ses rues, ses monuments et ses initiatives mémorielles. De l’esclavage à la Shoah, la Ville de Bordeaux rend hommage aux victimes et s’engage à construire un récit collectif inclusif et riche de ses diversités.  

Lien vivant entre le passé et le présent, la mémoire nous aide à comprendre d’où l’on vient, en tant qu’individus et en tant que société. Elle raconte notre histoire de manière sensible. Elle met en lumière des événements importants, tout en les questionnant et en révélant leur complexité. 

Des mémoires multiples

Entre le 17e et le 19e siècles, Bordeaux se place parmi les grands ports négriers de France. Le commerce transatlantique marqué par la traite et le système esclavagiste, fonde sa prospérité visible dans son apogée architecturale au 18e siècle. Environ 180 armateurs bordelais sont à l’origine de 480 expéditions responsables de la déportation d’entre 120 000 et 150 000 Africains, hommes, femmes, enfants, dont beaucoup sont décédés en mer. 

Le 30 juin 1940, les troupes allemandes entrent dans Bordeaux, plongeant dans l’insécurité les nombreux Juifs encore présents. L’année suivante, le gouvernement de Vichy ouvre le camp d’internement de Mérignac. Suites aux rafles consécutives de juillet, août, octobre, novembre et décembre 1942, de nombreuses personnes y sont internés en raison de leur origine ethnique, de leur religion ou de leur orientation sexuelle. Le camp devient l’antichambre de la déportation pour près de 2000 juifs résidant à Bordeaux et en Gironde. Dix convois partent de Bordeaux entre le 18 juillet 1942 et le 5 juin 1944, déportant vers le camp de Drancy 1690 personnes dont 223 enfants. Pour ce sujet, nous vous invitons à découvrir l'exposition virtuelle "Destinée juives".

Des initiatives mémorielles

Le 21 mai 2001, la loi n°2001-434, dite loi Taubira, reconnaît l’esclavage et la traite comme crime contre l’humanité. Dans les années qui suivent, la ville de Bordeaux s’engage dans un travail de mémoire. En 2005, le buste de Toussaint-Louverture offert par la République d’Haïti à la Ville de Bordeaux pour rappeler son lien historique avec les Caraïbes est installé au parc aux Angéliques. En 2006, une plaque commémorative est inaugurée quais des Chartrons. Les initiatives mémorielles se sont poursuivies depuis pour continuer de rendre hommage aux victimes de l’esclavage et célébrer leurs résistances. 

Le musée d’Aquitaine, participe activement à ces initiatives mémorielles. Ses espaces d’expositions consacrées à l’esclavage et à la traite négrière sont inaugurés en 2009 avec un espace dédié à l’héritage de ceux qui se sont battus pour leur liberté. 2025 marque l’année du bicentenaire de la dette haïtienne et, à cette occasion, le parcours d’exposition s’est enrichi d’objets témoignant de l’événement et explore ses répercussions actuelles. Ces espaces d’expositions sont tout autant des vecteurs de sensibilisation auprès du grand public mais aussi des plus jeunes à travers l’accueil de scolaires.  

A l’initiative d’enseignants-chercheurs et d’étudiants de l’Université Bordeaux Montaigne, Bordeaux et Bègles s’engagent dans un projet unique à la mémoire des victimes de la déportation et de la Shoah durant la Seconde Guerre Mondiale. Des pavés de la mémoire (les Stolpersteine) sont installés devant le dernier domicile connu des victimes et portent leur nom. Les premiers pavés ont été posés en Allemagne en 1995. L’ensemble forme un mémorial unique à travers l’Europe, qui compte aujourd’hui plus de 100 000 pavés. A Bordeaux, 22 pavés ont été disposés.  

La participation du musée à la commission de viographie

Les plaques de rues racontent une histoire politique et symbolique. Dès le 17e siècle, en France, elles rendent hommage à des personnalités célèbres, inscrivant la mémoire collective dans notre quotidien. Ces noms familiers nous rappellent notre passé commun, mais ils reflètent aussi nos valeurs et notre regard sur l’histoire. 

La Ville de Bordeaux, inspirée par les demandes des associations et des citoyens a décidé de revoir et d'enrichir les noms de ses rues. L’objectif est de mieux représenter la diversité des mémoires qui composent la ville et de construire un récit collectif qui représente tous ses habitants. Pour cela, une commission de viographie, auxquels participe le musée d’Aquitaine, des élus, des agents municipaux et des experts, étudie les propositions des citoyens et des associations pour nommer les nouvelles voies et équipements municipaux.